samedi 23 janvier 2016

Le sociofinancement en capital, ou comment jouer au Dragon


J'ai commencé à m'intéresser au financement participatif en capital public (ou sociofinancement en capital public, public equity crowdfunding en anglais) en cherchant pour des placements alternatifs. Le financement participatif en capital privé existe déjà pour certains investisseurs fortunés, mais la version publique, ouverte à tous, sera réglementée et disponible sous peu.

Vous connaissez peut-être déjà les sites Kickstarter et Indiegogo? Ce sont des sites de financement participatif grand public. Des gens y présentent une cause, un projet, un produit, un service à développer et les internautes peuvent donner de l'argent. Parfois, ils obtiennent des trucs en échange. Les projets ont généralement une limite inférieure d'argent à ramasser avant de pouvoir être financée avec succès : si la limite n'est pas atteinte, le projet ne reçoit rien.

Par exemple, j'ai participé il y a quatre ans à la campagne Kickstarter de The Order of the Stick, un webcomic américain. L’auteur cherchait à recueillir des fonds pour l’aider à rééditer les premiers volumes de ses bandes dessinées.  La campagne de financement a eu un succès retentissant et j’ai pu obtenir, en échéance de ma contribution, plusieurs items promotionnels, trois livres et un jeu de table à l'effigie du webcomic.




Et chez nous?

La vague de sociofinancement a déferlé également sur le Canada, avec des versions canadiennes de Kickstarter et Indiegogo, mais également avec des initiatives d'ici. Un exemple québécois est le site La Ruche, qui permet à des entreprises ou des groupes de la Ville de Québec de financer leurs projets.

Mais qui dit argent et financement dit également besoin de réglementation. L'Autorité des marchés financiers, l'organisme de réglementation financière au Québec, a été appelée à se prononcer sur le financement participatif et à définir des règles pour éviter les abus et les fraudes. Il existe trois sortes de financement participatif :


1. Le financement participatif sous forme de dons ou de prévente

Cette forme de financement est couramment utilisée par les sites comme Kickstarter ou Indiegogo. L'argent recueilli est un don ou encore permet l’achat en prévente d’un produit ou d’un service à un prix moindre.

À cause de son caractère caritatif, ce type de financement n'est pas encadré par l'Autorité des marchés financiers. Il faut donc être prudent dans le choix des causes à supporter : il peut arriver que le produit financé ne passe pas la phase de développement. Généralement, le créateur du produit doit alors se rembourser les contributeurs. S’il ne respecte toutefois pas ses engagements, les contributeurs peuvent le poursuivre en justice. (Source : Kickstarter)


2. Le financement participatif en capital privé

Une entreprise peut décider de recueillir des fonds en échange d'actions ou d'obligations. En fournissant de l'argent à un tel projet, on devient investisseur et on s'attend à recevoir des intérêts ou de la croissance de capital sur les actions et/ou obligations achetées. Pour les petites entreprises et les entreprises en démarrage, il existe cependant de nouvelles dispositions à la loi pour leur permettre de réaliser du financement à moindre coût, sans avoir l'obligation de déposer un prospectus ou des états financiers. Au contraire, les compagnies bien établies ont les moyens de passer ces étapes parfois coûteuses et nécessitant beaucoup de paperasse (notamment la création d'un prospectus qui décrit la compagnie de long en large).

Seuls les investisseurs qualifiés peuvent financer une entreprise via un investissement privé (pensez à l'émission Dans l’œil du dragon à Radio-Canada). Pour être investisseur qualifié, il faut par exemple détenir un actif net de plus d'un million de dollars (sans la demeure principale) ou gagner plus de 200 000$ par année après impôts, ce qui n'est pas à la portée de tous.


3. Le financement participatif en capital public

Depuis mai 2015, il est possible pour les entreprises en démarrage (startups) de lancer des campagnes publiques de financement participatif en capital. (Avis 45-316). Par le biais d'un portail de sociofinancement (site web qui gère les levées de fonds), un individu peut investir jusqu'à 1500$ par offre de financement participatif d'une entreprise en démarrage. L'entreprise doit obtenir un montant minimum (par exemple, 100 000$) avant de pouvoir recueillir les fonds. Si le montant minimal n'est pas obtenu avant la fin de l'offre de financement participatif, elle ne récolte rien. Le montant maximal pouvant être récolté est limité à 250 000$. L'investisseur reçoit, en contre-partie, des titres de la compagnie comme des actions.

Pour les petites et moyennes entreprises (PME), les règles changent à partir du 25 janvier 2016 (Règlement 45-108). Par le même processus que pour les entreprises en démarrage, les PME pourront lancer une campagne publique dont la limite de contribution sera de 2500$ par investisseur (25 000$ pour un investisseur qualifié). L'entreprise sera limitée à 1,5 million de dollars de financement participatif par année.


Quels sont les risques?

Évidemment, comme dans tout investissement, il y a des risques. Ceux-ci sont plus élevés que lorsqu'on achète des actions d'une compagnie bien établie et cotée en Bourse. L'entreprise en démarrage, comme son nom l'indique, n'a généralement pas encore de produits à commercialiser ou est encore à peaufiner les détails de son offre de service. Il existe donc le risque que tout tombe à plat et que l'entreprise soit un échec, ce qui entraînerait une perte de notre investissement.

De plus, les actions obtenues par le financement participatif ne peuvent pas être revendues facilement. Puisque la compagnie n'est pas cotée en Bourse, il n'existe pas de marché pour l'achat et la vente de ses titres. L'investisseur doit donc être patient et pourrait avoir à garder ses actions pendant longtemps.


Comment fait-on pour investir?

Le financement participatif en capital public s'effectue via un portail de financement. Il en existe plusieurs au Canada, mais puisque chaque province a sa propre réglementation, ils ne sont pas tous utilisables par des Québécois. Les deux portails reconnus présentement par l'Autorité des marchés financiers au Québec sont GoTroo et FrontFundr, le premier étant entièrement québécois.

Pour investir, vous vous inscrivez d'abord sur le portail en fournissant vos informations personnelles. Ensuite, vous parcourez la liste des campagnes de financement et consultez leurs pitchs de vente et certaines données financières. Lorsque vous avez trouvé une compagnie intéressante, vous signez des documents pour signifier votre intérêt à investir et votre acceptation des conditions et des risques liés à ce placement. Il vous reste alors à transférer l'argent et à attendre la fin de la campagne de financement. Si l'objectif de la campagne est atteint, chaque investisseur recevra sa contre-partie en titres de la compagnie; sinon, rien ne se passe et vous récupèrez votre argent.


Un exemple prometteur de financement participatif

Une compagnie qui a attiré mon attention est Ubios. C'est une entreprise en démarrage montréalaise qui développe des produits modulaires pour les maisons intelligentes. Leur solution est un détecteur qui permet de réguler le thermostat et de couper l'alimentation principale en eau d'une maison lorsqu'il n'y a personne, en plus d'intégrer un système d'alarme.




Leur campagne de financement participatif commence le dimanche 24 janvier à 18h sur GoTroo. J'y jetterai certainement un coup d’œil. C'est une occasion idéale pour l'investisseur amateur de contribuer à l'essor d'entreprises en démarrage, tel un Dragon!

2 commentaires:

  1. Fort intéressant! Je vais être curieux de voir comment ces expériences de financement se déroule!
    La seule chose qui m'inquiète, par manque de connaissance, c'est le potentiel de dévaluation des parts ainsi acquise par des rondes de financement futures qui viendrait diluer la valeur des parts ainsi acquise. Je sais que c'est souvent un problème pour les startups peu scrupuleuses qui offrent des "parts" à leur employés...

    J'aime bien l'idée de la startup de couper l'eau automatiquement lors de son départ. C'est un gadget que je pensais me fabriquer éventuellement. J'imagine donc que je ne suis pas le seul à y voir un intérêt!

    Merci pour cet article !

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  2. J’ai souvent entendu parler du crowdfunding sans pour autant comprendre vraiment de quoi il s’agissait. Je suis bien contente d’être tombée sur ces explications qui rendent le concept plus clair à mes yeux. Je participerais peut-être dans un projet bientôt.

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